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Le Blogueur devant le Seuil
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20 janvier 2009

MORT DANS LAME (3 ème extrait)

FOLLEMPRISE

Toujours en quête d'un éditeur, pour ce tapuscrit de Fantasy Héroïque, en voici un troisième extrait...

(la belle illustration est de Jeff Solmon et concerne en fait un autre projet...)

Chapitre IV

Les trois reliques

Rappelons le principe de la Cente. Cet impôt impérial varie de 1 centième à 1 dixième des possessions du peuple. Chaque région dispose de son Centeur, qui détermine la part de l’impôt en fonction des récoltes, des événements divers survenus dans l’année, des besoins des légions Kreüzes… Mais toujours dans cette limite, entre le centième et le dixième, jamais plus. Les Centeurs disposent de leurs propres hommes d’arme. Une armée parfaitement  entraînée et bien équipée dont les membres arborent des casques lisses, simplement percés de quelques trous pour les yeux et la respiration. Cette armée anonyme est de plus uniquement composée de volontaires régionaux qui font également office d’espions pour le compte de la Cente.   

Galvius : Ecrits sur l’Empire, an 288.   

1.

Le paladin se leva juste à la fin de la nuit. Sans faire de bruit, il revêtit quelques éléments d’armure, ramassa son arme, les effets pour se protéger du froid et se rendit au dehors. L’air était juste frais et un vent paisible agitait les rangées d’oliviers. Pacem fit quelques moulinets avec Mort dans Lame. Ses jambes avaient beau le trahir de temps à autre, son poignet demeurait souple et ferme. La lame draconique sifflait autour de lui tandis qu’il effectuait des attaques de taille oblique.

Pacem avait passé des décennies à combattre pour Galvius et l’ordre de l’Infant-Dieu. L’épée Mort dans Lame avait exterminé son comptant d’ennemis de l’empire, autant extérieurs qu’intérieurs. Complots déjoués, pillard repoussés. Des Gleïrgs sauvages terrifiant les régions nordiques avaient été massacrés, tout comme des nécromants à demi-fous ou des nobles corrompus. Le contact de la poignée ainsi que le poids de l’acier magique le rassurait un peu. Ce débarquement solitaire sur la redoutée île du Regel serait peut-être son dernier exploit. Mourir sous les coups des primo-goules ou s’endormir à jamais au creux de la chaise des ancêtres. Quelle différence, en vérité ? Sa vie n’était plus qu’une longue attente, de toute manière. Repousser doucement la mort, de quelques jours, de quelques heures. Continuer, juste pour l’ordre et l’Infant-Dieu.

Vivre uniquement par devoir.

Anselme Pacem remit sa flamberge dans son baudrier dorsal et remonta sur son destrier de guerre. Il chevaucha à vive allure et retourna vers l’embarcadère où il retrouva Cefào. Le vieux marin fumait sa pipe, assis sur un tas de cordes. Deux Serdes, âgés et massifs s’occupaient de monter les voiles. Ils étaient armés d’arbalète de poing dont les carreaux se terminaient par des barbelures et des pointes vicieuses. Pacem fit monter son destrier à bord et confia le Krelt à Cefào qui releva un de des sourcils broussailleux :

            ¾ Il pourrait être imprudent de confier une telle fortune à une bande de malandrins serdes comme nous-autres.

            ¾ Un Krelt pour m’amener là bas et un autre pour revenir me chercher, le jour suivant.

Le marin faillit s’étrangler en inspirant une bouffée de tabac odorant.

            ¾ Vous venez d’acquérir trois âmes serdes, messire « marchand » ou qui que vous soyez.

Le paladin se posta à l’avant du navire et dégagea le pommeau et la garde ouvragée de son épée. Il sentit les regards des marins peser sur lui, mais les vieux Serdes gardèrent le silence tout en manoeuvrant pour sortir de la baie. Le trajet fut aussi agréable qu’à leur venue sur Longue île. Brise légère, mer calme. Ils croisèrent de nombreuses embarcations et les marins s’envoyaient des signes de la main ou agitaient des carrés d’étoffe de différentes couleurs. Sorino lui avait appris, quelques années auparavant, les codes en vigueur. Jaune et rouge indiquait le courant dominant, le bleu signifiait qu’un navire de la Cente effectuait une ronde dans les parages, le mauve indiquait la présence de pirates, le vert était un simple salut. Le carré noir n’était jamais utilisé. Il signifiait que le navire faisait route vers l’île du Regel et que les frères côtiers pouvaient d’ores et déjà le considérer comme perdu, corps et biens. Sans se retourner, le vieux paladin demanda à Cefào :

            ¾ Vous n’agitez pas le carré funèbre ?

            ¾ Vous connaissez bien les Serdes, messire. Mais si ça ne vous dérange pas, nous préférons garder le carré noir à sa place, au fond de la cale.

Pacem sourit à l’horizon et remarqua les changements qui survenaient alors qu’ils descendaient toujours un peu plus au sud. Le bleu se teintait de nuages sombres et allongés qui croisaient très haut dans le ciel et l’air s’était également rafraîchi. Les marins enfilèrent des bonnets et Cefào en offrit un au paladin qui dut bien vite s’en coiffer tant ses oreilles commencèrent à ressentir les rafales glacées. Le soleil disparut bientôt derrière une masse nuageuse qui avait surgit de nulle part et qui posait, sur la mer, une ombre mouvante.

Pacem entoura ses chausses de bandes puis enfila d’autres chausses en peau de bête, de même, il passa une pelisse sur son manteau et dégagea le symbole sacré de l’Infant-Dieu de sa cuirasse. Les marins saisirent de longues gaffes et se postèrent chacun sur un côté, scrutant les eaux de leurs yeux noirs. Puis brusquement, celui de tribord lança sa gaffe et s’appuya dessus de toute ses forces pour repousser un énorme bloc de glace dérivant.

Cefào rangea sa pipe et cracha dans sa barbe emmêlée :

            ¾ Nous arrivons, messire Prodius, vous pouvez déjà prendre votre rapière.

Le paladin s’exécuta tandis que la forme de l’île du Regel émergeait des nuages qui rasaient la mer de Bisagne. Il s’agissait d’un pauvre îlot, décharné, qui se dressait de toute sa hauteur au dessus d’une mer gelée. La pierre noire était couverte de remblais neigeux et le verglas recouvrait une végétation noircie mais dense.

Horrible prodige froid au milieu d’un océan plutôt clément et tempéré. Les Serdes se signèrent. Chacun priait un culte différent. Pendant que les deux marins écartaient les blocs de glaces, toujours plus gros et plus nombreux, Cefào tentait de manœuvrer à la godille tout en s’efforçant de repérer une bonne crique dans la banquise. Après quelques errements, le vieux marin réussit à approcher son embarcation d’un promontoire de glace qui semblait suffisamment épais. Ses deux aides avaient planté leur gaffe sur la banquise pour se stabiliser du mieux possible. Pacem les salua et effectua un léger saut. Il grimaça quand son pied droit glissa mais parvint à rester debout en s’aidant de son arme qu’il avait plantée dans le verglas crissant.

Les Serdes lui crièrent subitement quelque chose mais Pacem ne comprit pas leur message. Il se retourna pour voir une bourrasque violente emporter le navire de Cefào par delà la masse nuageuse, loin de son regard.

Le paladin remonta sa pelisse et tenta d’avancer sur la banquise. Le vent lui gelait les os et il se mit bientôt à ahaner sous l’effort. Pacem effleura sa roue de bois et pria l’Infant-Dieu de lui donner la force de traverser la crique de glace. Une chaleur douce s’infiltra dans ses articulations grinçantes et lui permit de rallier le cœur de l’îlot sans mourir de froid.

Sa bouche et son menton se couvrirent rapidement de de gel et des gouttelettes de verglas se formèrent sur ses jambes, entre les bandes de cuir et la fourrure de ses bottes. Il fit craquer ses doigts pour se débarrasser des petites stalactites et avança encore, Mort dans Lame en position de garde basse.

Au sommet des rocailles enneigées, il remarqua une haute tour carrée, entièrement noire, sans meurtrières ni aucune marque distinctive. Pas de bannière ni de drapeau, aucun bas-relief, juste des pierres noires et lisses, parfaitement imbriquées les unes aux autres. Une sorte de gigantesque pierre tombale de basalte dressée vers les nuages.

Le paladin perçut un mouvement soudain, sur sa droite. Il pivota et repéra les trois primo-goules. Ces dernières s’étaient dissimulées derrière quelques bosquets situés à une douzaine de toises de la banquise. Curieusement, il semblait que la glace et le gel n’atteignaient que certaines parties de l’île. Une forêt luxuriante se déployait derrière une passe gelée.

Les primo-goules étaient des femelles, juste vêtues de pagnes et de peaux de bête. Grandes mais voûtées, d’une musculature impressionnante, dotées de longs crocs, de visages velus et hirsutes. Leurs longs bras terminés par des mains griffues tenaient des troncs d’arbre arrachés. Elles grognaient et semblaient observer Pacem qui leur montra l’éclat de Mort dans Lame, de façon à les tenir à l’écart. Les créatures bestiales se redressèrent quelque peu et émirent des cris rauques à l’adresse de l’homme à la flamberge. L’une d’elles donna un coup de massue sur le sol sableux.

Le paladin se dit qu’il aurait des difficultés face à ces trois êtres, malgré la bénédiction de l’Infant-Dieu et la puissance de Mort dans Lame. De même, en combattant sur un sol gelé, il risquait une chute fatale. Il se concentra, prit son épée dans une seule main et étendit l’autre vers les primo-goules en priant.

Pacem avait décidé de frapper l’air juste devant les bêtes. Depuis l’attaque du palais, il savait qu’elles résistaient à ce type d’attaque. Mais sa manœuvre était simplement destinée à les impressionner.

Dans un bruit mat et puissant, les bosquets ployèrent sous le pouvoir de l’Infant-Dieu et l’herbe haute se courba comme écrasée par une sphère invisible. Les primo-goules, privées de leur couvert végétal, se mirent à glapir et s’enfuirent vers la forêt profonde, effrayées par la magie du vieil homme.

Rasséréné, le paladin décida d’avancer vers la tour de basalte. Après avoir fouillé les rochers face à lui, il trouva un chemin sinueux et escarpé. Il s’y engagea et commença son ascension. Le paladin progressait lentement, s’aidant de son épée pour s’équilibrer, posant ses chausses humides et glacées sur les affleurements rocheux, évitant d’évoluer sur le verglas. Pacem dut s’arrêter à de nombreuses reprises, pour se reposer, reprendre son souffle, enlever les plaques de gel qui couvraient son corps, ou prier l’Infant-Dieu pour guérir ses engelures.

Alors qu’il poursuivait sa périlleuse ascension vers la forme sombre, il entendit bientôt des bruits feutrés et réguliers venant des hauteurs.

Le paladin leva la tête et une lourde forme sombre fondit sur lui.

Pacem se jeta sur le côté gauche, évitant à l’ultime instant, la charge aérienne du monstrueux cauchemar ailé. La bête, noire de peau, était aussi grande qu’un cheval. Elle était dotée de larges ailes membraneuses s’articulant sur un corps maigre et squelettique recouvert de soies et d’une gueule effrayante. Elle possédait des yeux ronds et blancs, exorbités, des joues creuses et des mâchoires immenses garnies de longues dents jaunes et plates. Les membres du cauchemar ailés étaient terminés par trois doigts épais et un ergot acéré surgissait de ses jarrets. Le paladin perçut le raclement de l’ergot sur le flanc de sa cuirasse. Sans cette dernière, l’affreux animal lui aurait lacéré les chairs voire transpercé un rein.

La bête se posa rudement, quelques coudées derrière, s’arrachant quelques parcelles de peau sur les rochers de l’étroit sentier. Une attaque enragée, presque suicidaire. Dans un sifflement rauque, elle fit volte face tandis que le guerrier de l’Infant-Dieu se replaçait dans son axe, Mort dans Lame pointée devant lui, prête à réceptionner une nouvelle attaque.

Le cauchemar ailé bondit mais ne chargea pas, il se contenta de pivoter à nouveau, balayant l’air froid de ses ailes filandreuses. Les grandes ailes étaient terminées par des petits crocs osseux et projetèrent le paladin contre les pierres du passage. Pacem avait tenté de porter un coup contre la bête, mais sa lame n’avait fait que lacérer l’aile noire sur une bonne longueur augmentant la fureur de l’animal.

Ce dernier replia son aile blessée et tenta de balancer une violente ruade dans le poitrail de sa proie. Mais Pacem avait anticipé son mouvement et avait dévié le coup avec Mort dans Lame. Profitant de la force d’inertie, Le paladin contre-attaqua aussitôt. Il effectua deux mouvements de taille en oblique et finit par toucher la cuisse arrière gauche du cauchemar ailé. Le sang jaillit avec force de la plaie béante et s’en alla rougir la neige environnante. La bête hurla tout en se retournant et porta des assauts brutaux mais désordonnés, coups de gueule, coups de pattes, ergots en avant. Le paladin para les coups furieux puis frappa du pied sur l’aile blessée du cauchemar. L’animal émit un nouveau cri de douleur et se retourna par réflexe.

Pacem leva Mort dans Lame à deux mains et l’abattit vers l’encolure du monstre ailé tout en orientant le pommeau de façon à déclencher le pouvoir de l’épée. La lame draconique pénétra dans la chair et trancha l’encolure décharnée du cauchemar, d’un seul coup, repoussant au loin la tête allongée et caquetante. Le corps fut également projeté dans le sens opposé, buta contre la paroi rocheuse mais resta debout quelques instants. Le cadavre décapité bougea une patte avant de s’effondrer sur le sentier verglacé.

Après avoir planté sa fidèle flamberge dans la neige ensanglanté, Pacem s’appuya sur la garde pour reprendre sa respiration. Le sang battait à ses tempes et il respirait avec peine. Il dut prendre quelques minutes de repos avant de reprendre son arme pour terminer son ascension, les yeux rivés vers le ciel. D’autres formes noires s’ébattaient dans les nuages, encore des cauchemars ailés, mais aucun autre monstre volant ne fondit vers lui.

Il put ainsi venir à bout de son escalade sans subir de nouvelle attaque et se présenta bientôt devant la grande tour, carrée et imposante. Après une dernière prière, il fit sauter un loquet en métal et pénétra dans une pièce plongée dans l’obscurité.

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