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Le Blogueur devant le Seuil
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24 août 2007

Manifeste pour une Narration Populaire

Machine à créer des chiots rouges

Un article de Lester Ecchymose

Je me rappelle de cet entrepôt sur les chais de Porto. Au

fond duquel, durant mon jeune âge, j'empilais les pages

grâce à ma vieille Underwood. Le plastique qui protégeait

la fenêtre ne cessait de claquer à cause du vent pendant

que de curieux bâtards jappaient à mes pieds. Maintenant

que j'écris plus de 200.000 signes par jour et qu'aucun de

mes manuscrits n'a été refusé, depuis dix ans, je suis disposé

à livrer à la cohorte d'auteurs débutants, mes recettes

infaillibles.

Un éditeur a toujours raison et plus vous le lui répéterez

mieux vous vous porterez.

Pour un récit d'aventures à frissons, quelques personnages

peuvent se révéler utiles : un héros, un méchant, plusieurs

victimes de meurtre. Attention à ne pas faire assassiner

des femmes car mon éditeur n'aime pas trop. Il faut que le

héros puisse sauver quelqu'un. Si les lecteurs sont machos,

supprimer la femme et la remplacer par un avion ou la

relique d'un camarade tombé à la guerre.

Les désirs doivent être tiraillés et les personnages forts.

Le héros agira sous la contrainte, dos au mur, le poing

serré sur sa truelle, la chemise mouillée d'angoisse.

Une marque doit définir un personnage. La cape

et le short de Haïlé Selassié. Les personnages

peuvent porter des vêtements qui puent, fumer

des coiffures étranges, arborer des chaussures

jaunes.

Une marque de dialogue peut très bien faire

l'affaire : "Par les cornes de Boûlezsthorn"

Un maniérisme vous plaira peut-être plus : "Jocke entra en

grignotant une des boules de bowling qu'il tenait dans un

sac en papier". Jocke continuera à manger des boules de

bowling tout au long du récit, parlant de leur effet

amaigrissant qui lui permet de faire des économies de Slim-

Fast. Et peut-être que le tueur sera un joueur de bowling

ou Clémentine Célarié, ou un docteur.

Les noms peuvent être inventés pour suggérer des choses.

Par exemple : O'Sullivan, la chaussette à clou, le flic, le boucher (selon sa profession).

Et une jeune femme menue et gracile sera nommée Bruise (Bleu, meurtrissure et garrot).

Une brute épaisse aux crocs fumants ? Peut-être

Linette, ou suzette (dite la crêpe, évidemment).

N.B le contre emploi, cet art empoisonné se distille à petites doses.

Mais attention de ne pas franchir les bornes de la

bizarrerie en matière de méthode de meurtre : corps orné

d'un tatouage en forme de chauve-souris cyanosé à l'anis,

hydrocyanure garrotté, mouches germées et mortelles.

L'idée force est d'éviter toute monotonie.

Un exemple tiré de mon roman La légion rouge de la mort

volante.

...Jocke entra tout en grignotant une des boules de bowling

qu'il serrait sous son bras. O'Sullivan, se gratta les

chaussures (jaunes) et d'écria : "Par les cornes de

Boûlezsthorn !". Linette portait une carabine ornée de

motifs curvilignes et mystiques (venant d'Egypte) et

ricanait en crachant sur ses crocs fumants. A ses pieds

difformes s'étalait le corps tatoué et tourmenté de Bruise,

la délicate enfant avait une chouette gravée sur chaque

oeil et son bras droit portait la marque morbide du sceau

de Belzervoltch. "Par les cornes de  Boûlezsthorn, je sais

qui est le coupable" s'écria à nouveau O'Sullivan en mirant

sa trogne de flic dans ses chaussures jaunes et

brillantes... 

Voilà, c'est tout, vous voilà riche, en passe d'écrire des

best-sellers à la pelle et d'amasser, tout comme moi une

montagne d'or massif. Mais tandis que j'enfile ma parka

polaire pour aller traquer les ours blancs qui protègent la

vallée des émeraudes et que ma femme fait le guet en haut

du mâts pour m'avertir de la présence des barracudas, je

repense à cette cave de Porto et à ces chiens...Ha ! La !

La ! La vie n'est qu'un mystère non résolu qu'il faut

garder en réserve, d'une manière logique, pour terminer au

plus vite le récit.

Vezyn el coqueto (frontière mexicaine).1927.

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